Alfonso Caycedo (1932-2017), le fondateur
L’histoire de la sophrologie est liée à celle de son fondateur, le professeur Alfonso Caycedo. Il a ainsi constitué sa méthode au cours d’un long processus d’élaboration qui est d’ailleurs toujours en évolution aujourd’hui.
Expérience de l’hypnose
Diplômé de la faculté de médecine de Madrid, Alfonso Caycedo s’oriente vers les spécialités de neurologie et de psychiatrie, et devient, en 1959, interne dans le service du professeur de psychiatrie Lopez Ibor, son « premier maître ».
Face à la violence des procédés thérapeutiques d’après-guerre pour modifier les états de conscience (comas insuliniques, électrochocs sans anesthésie), il se tourne vers une méthode plus douce : l’hypnose. Cependant, ses observations cliniques ne correspondent pas toujours aux théories de l’hypnose et il constate également que, dans cette pratique, le patient est trop souvent maintenu dans une relation de dépendance au thérapeute. En outre, il exprime aussi la volonté de se dégager de l’image d’une pratique magique, obscurantiste associée à l’hypnose.
Pour faire ses recherches sur la conscience à partir de bases saines, libres de tout préjugé, il crée le terme « sophrologie » en 1960. Le premier Département de sophrologie clinique est alors créé à Madrid à l’hôpital Santa Isabel.
Influence de la phénoménologie
En 1963-1964 : En suisse, il devient l’élève du Professeur Binswanger (1881-1966), son « deuxième maître », père de la phénoménologie psychiatrique. La phénoménologie se définit comme « l’étude du phénomène en tant que tel, c’est-à-dire de ce qui apparaît à la conscience ici et maintenant, en se plaçant au niveau de l’expérience. »
La sophrologie est alors en train de se construire sur un principe d’accueil des phénomènes sans jugement, en abordant les choses « comme si c’était la première fois » avec une mise entre parenthèses des connaissances et préjugés, sans interprétation, comparaison, etc. Par exemple, avec l’approche phénoménologique, la sophrologie propose des techniques pour découvrir notre corps à travers nos sensations au-delà de nos connaissances livresques.
Ainsi, le sophrologue d’inspiration phénoménologique induit le moins possible de phénomènes dans son animation (à l’opposé des suggestions hypnotiques) qui se doit neutre, simple et épurée afin de laisser place à l’expérience personnelle, pour laisser l’Autre être, dans ce principe d’ « acceptation inconditionnelle de l’Autre » chère à Carl Rogers.
Influence des méthodes de relaxation
Dans cette optique de nouvelles approches, Alfonso Caycedo complète ses travaux et recherches avec les méthodes de relaxation pratiquées alors en médecine (Training autogène de Schultz, Relaxation progressive de Jacobson, Relaxation psychotonique de Ajuriaguerra, etc.).
Dans ces pratiques, l’idée commune est de relâcher les tensions physiques pour relâcher les tensions psychiques. En effet, pour Alfonso Caycedo, quand on travaille sur le corps, on travaille sur l’esprit et inversement. Il n’existe pas de scission entre le corps et l’esprit.
Influences orientales
Marié en 1963 à une Française passionnée de yoga, Alfonso Caycedo sera, dans le processus d’élaboration de la méthode sophrologique, fortement influencé par ses voyages en Orient.
De 1965 à 1968, Alfonso Caycedo voyage en Orient :
- En Inde, où il s’initie au Yoga Conséquence sur la sophrologie : Alfonso Caycedo développe le travail sur les postures et les sensations corporelles pour plus de conscience de soi (d’autant que le corps est peu pris en compte dans son domaine initial, la psychiatrie). Il développe également le travail sur la concentration.
- Au Tibet, où il rencontre le Dalaï-Lama et découvre le bouddhisme tibétain. Ce qui intéresse principalement Alfonso Caycedo dans cette pratique, c’est le processus agissant sur les états et niveaux de conscience. La sophrologie est ainsi influencée par les pratiques bouddhistes tibétaines de
- Au Japon, où il découvre le zen japonais. En s’exerçant au zazen, Alfonso Caycedo expérimente l’importance des postures debout et assise ainsi que la méditation et la non-pensée.
Alfonso Caycedo s’est inspiré de toutes ces pratiques tout en veillant, en les incorporant à la sophrologie, à les détacher de leur dimension philosophique et religieuse.
À son retour en Espagne, en 1968, Alfonso Caycedo est nommé professeur de psychiatrie de la Faculté de médecine de Barcelone. De 1968 à 1982, il effectue un important travail d’expérimentations, de recherches et de diffusions scientifiques. Il crée alors les techniques les plus importantes de la sophrologie.
Ouverture de la sophrologie au champ social
En 1978, Alfonso Caycedo affirme son ambition d’ouvrir la sophrologie au niveau social. En effet, de 1960 à 1977, la sophrologie relève uniquement d’une méthode utilisée par les médecins. On parle du champ thérapeutique de la sophrologie. En créant le champ de la socio-prophylaxie ou prophylaxie sociale, Alfonso Caycedo développe un ensemble de moyens et mesures destinés à la prévention des maladies et à la promotion du maintien et de la protection de la santé.
Toutes les techniques sophrologiques visent ainsi à créer un état d’harmonie dont les effets bénéfiques se retrouvent dans la vie privée, professionnelle et sociale.
Ouverture aux valeurs
En 1983, suite au constat de la misère lors de ses voyages, et à la création du champ de la prophylaxie sociale, Alfonso Caycedo propose d’expérimenter le phénomène des valeurs existentielles. Il s’agit d’amener à prendre conscience de ses valeurs propres, de savoir ce qui est fondamental pour soi, d’être en accord avec soi, de faire des choix qui correspondent à soi en regard du monde.
Evolutions du cadre
En 1992, la sophrologie est présentée au VIème congrès européen de psychiatrie de Barcelone comme nouvelle professionnalité clinique et socio-prophylactique.
En 1993, son fondateur crée l’appellation « sophrologie caycédienne » pour protéger légalement et juridiquement la sophrologie.
En 1998, c’est la fin de la restructuration de la sophrologie et des formations qui en découlent. Il existe alors les écoles caycédiennes et les écoles d’inspiration plus ou moins fidèles à la méthode Caycedo.
En 2000, en parallèle des écoles caycédiennes, est alors créée la CEPS (Coordination des Ecoles Professionnelles en Sophrologie) qui devient FEPS (Fédération des Ecoles Professionnelles en Sophrologie) qui aujourd’hui regroupe 12 écoles dans toute la France. L’objet de la FEPS est de rester dans la lignée de la sophrologie dite caycédienne, sans s’enfermer dans un carcan. Les sophrologues se doivent de suivre l’évolution de la société et, en ce sens, d’adapter leur discipline. La sophrologie dont le sujet d’étude relève du vivant ne peut en effet rester figée.
Loi de la vivance : La sophrologie est une méthode expérientielle : « la sophrologie ne s’explique pas, elle se vit. » (Luc Audouin). La « Vivance » est un néologisme inventé par Alfonso Caycedo pour marquer l’importance de l’expérience et du vécu personnel, sans jugement, ni analyse.
Loi de la répétition : Pour que la méthode soit efficace et pour voir apparaitre des changements, il est nécessaire de pratiquer régulièrement. En ce sens, l’investissement de la personne dans son processus de transformation est essentiel.
Principe de schéma corporel comme réalité vécue : Caycedo considère le corps et les sensations comme nourriture de base de la conscience. Ainsi, il fait du corps la base de sa méthode, le corps tel qu’il est dans la réalité et non pas comme il est imaginé. Ainsi, vivre plus réellement son corps, par la vivance des sensations dans l’expérience, amène à un corps plus présent, plus conscient et plus unifié. C’est se sentir pleinement vivant au moment présent, dans la réalité. Cela amène souvent naturellement au renforcement de la sécurité intérieure et au développement de la confiance en soi. C’est à partir de cette reconquête de soi que la rencontre avec le monde va pouvoir être moins inquiétante, plus aisée et inventive.
Principe d’action positive : Le postulat de départ est que toute action positive dirigée vers l’une des structures (corps, mental, émotions) se répercute automatiquement de façon positive sur les autres structures. Le projet de la sophrologie est ainsi de valoriser et développer les ressources, les capacités de la personne en amenant à sa conscience tout ce qu’elle possède en elle comme outils pour améliorer son quotidien et renforcer le positif.
Principe de réalité objective : L’idée est de développer, au fil des séances, une approche la plus réaliste, la plus objective possible d’une situation. On parle d’une approche phénoménologique avec le regard neuf (« comme si c’était la première fois ») et l’absence d’analyse et de jugement (époké).
Principe d’adaptabilité : L’accompagnement par le sophrologue doit être le fruit d’une réflexion pour construire un projet adapté. En s’adaptant au client et en personnalisant sa relation à lui, le sophrologue permet à l’alliance de se créer. L’alliance est cette relation particulière qui se met progressivement en place entre le sophrologue et le client grâce à un climat de confiance, d’échange et d’empathie. C’est une dimension essentielle dans le processus d’évolution et de changement.